Tirer le meilleur des actifs en francs
La politique monétaire pragmatique de la Banque nationale suisse a fait plusieurs gagnants sur les marchés, dont les obligations suisses, mais aussi des perdants, dont les actions suisses. Qu’est-ce que cela dit pour l’an prochain?
Actualités JAMJean-Eudes Clot
Stratégiste financier, Banque Cantonale Vaudoise
L’année 2023 a mis à rude épreuve la gouvernance économique dans le monde. La Suisse fait partie des bons élèves, grâce à la Banque nationale suisse (BNS) qui, la première, est parvenue à ramener le taux d’inflation sous les 2 %. La clé de ce succès réside dans l’utilisation judicieuse des deux leviers disponibles: le taux directeur et les réserves de change.
Le recours aux réductions des réserves de change répond à une double contrainte: lutter contre l’inflation et préserver la croissance intérieure. La Suisse étant très dépendante des échanges extérieurs, le soutien au franc a permis de contenir l’inflation importée. En limitant le montant des hausses de taux requises pour maîtriser l’inflation, ce levier a aussi permis de réduire les dommages à la croissance, à un bémol près, celui d’avoir davantage pénalisé le secteur exportateur.
De 2023...
Principales bénéficiaires de ces mouvements monétaires, les obligations en franc se sont démarquées en affichant une performance remarquablement forte et stable par rapport aux autres marchés, notamment celui en dollars, lesté par une inflation plus tenace et une crédibilité fiscale au plus bas.
Le marché de l’immobilier indirect suisse parvient également à se distinguer. À mi-novembre, les sociétés immobilières cotées surperformaient de près de 13 points de pourcentage l’indice mondial des actions immobilières converti en francs. Les fonds immobiliers ont suscité plus de défiance, mais ils s’en sortent bien en comparaison internationale. Et surtout, les hausses de taux modérées de la BNS ont permis de ménager les fondamentaux du secteur, qui restent solides.
Les actions suisses viennent assombrir le tableau. La performance à mi-novembre de l’indice SPI faisait pâle figure comparée aux actions mondiales converties en francs. Victimes collatérales de la politique du franc fort, les actions suisses ont également souffert du ralentissement de la zone euro et de la faiblesse du secteur pharmaceutique.
... à 2024
Avec la désinflation et le pic des taux courts, les tensions monétaires s’annoncent plus faibles pour 2024. Les obligations suisses devraient être plus proches de l’indice mondial. L’immobilier suisse devrait continuer à bénéficier de fondamentaux porteurs. La principale inconnue réside dans les marchés des actions. Les freins conjoncturels qui ont pesé sur les actions suisses ne sont pas appelés à disparaître rapidement en 2024.
Mais le cycle des profits n’explique pas tout. Pour apprécier la situation, il faut également intégrer le cycle de la dette. Sur ce terrain, les actions suisses sont parmi les mieux placées au monde, et c’est encore plus vrai pour les petites et moyennes capitalisations. Elles sont bien capitalisées et disposent de réserves de liquidités abondantes, ce qui devrait protéger les cours en cas de scénario adverse. Il convient de s’en souvenir en attendant un éventuel retournement conjoncturel.